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Balade en Soule

Par Semeac

 

Les stèles discoïdales ne sont pas propres au Pays Basque, on en trouve  ailleurs. Si on les trouve principalement

dans les cimetières, il n'y a pas forcément quelqu'un enterré  dessous. Par contre c'est sûr que leur apparition

date d'il y a longtemps, d'avant le Christianisme;  si vous voyez un Lauburu gravé dessus,

là vous pouvez vous dire que vous êtes bien au Pays Basque.

 

C’était la première sortie à moto de l’année. En ce début Février, on sent que l’hiver est encore là, il nous force à mettre

encore 2 ou 3 peaux, car on voit bien que le ciel n’est pas pacifique, taché qu’il est de gros nuages gris noirs.

Tour-de-cou, gants d'hiver, rangers goretex ne sont pas de trop, même si, sur une PC800, la protection est optimum;

on pourrait en cette période déplorer le capotage thermique qui évacue la chaleur du moteur loin du pilote et du passager. 

Dans le fond, les sommets ont encore leurs manteaux de neige. On a bien fait chauffer le moteur et on est parti plein Ouest.

 

Peu après qu’on ait passé Oloron, on est en Pays Basque. La frontière n’est pas visible. Ici c’était Schengen bien avant l’heure.

J’avais été très intrigué la 1° fois lorsque j'étais passé par là. C’était il y a bien longtemps, alors les frontières étaient

bien moins perméables; il fallait toujours, pour changer de pays, s’arrêter pour montrer patte blanche ; on voyageait  moins,

si bien que passer en Pays Basque, sans montrer ses papiers, faisait germer dans ma tête d’alors des idées de clandestinité,

d’interdit, ce qui renforçait, chez moi, le mystère de cette région. Mystère encore plus grand quand on sait que

les Basques sont génétiquement différents de leurs voisins tout autour, que la langue basque n'a pas beaucoup

de similitude avec les langues parlées aux alentours. Je me suis toujours demandé pourquoi en l’absence de frontière tangible

les peuples d’avant avaient du mal à se mélanger. Lorsqu’on passe en Pays Basque cela ne se voit pas, cela se ressent,

déjà au niveau des intonations, à la présence des frontons au milieu de chaque village. Un jour, mon fils s’était exclamé :

« …Ici on est au Pays Basque… ah bon, à quoi le vois tu ? …parce qu’ici, ils ont tous un béret et un gros ventre… ».

C’est sans doute un signe ; moi je le vois moins, mais je sais qu’ici c’est différent. C’est sans doute dans ma tête.

 

La Pacific Coast ronronne calmement dans ce paysage au matin silencieux, elle sait se faire discrète entre monts et vallons,

c'est presque une moto électrique. Les rayons du soleil n’ont pas encore réveillé les recoins léthargiques.

Nous dépassons le panneau Esquiule, les rues sont désertes. Les maisons bien closes ne laissent pas échapper les senteurs

du café matinal. Là est un des avantages de la moto sur la voiture : on est en osmose avec le paysage. Le village est petit,

le panneau fin d’agglomération est déjà derrière nous. Sous le nom français, il y a souvent le nom basque;

ne pas perdre ses racines, jamais; mais pas comme dans certains villages Irlandais où ils écrivent tout en Gaélique

au grand désarroi des touristes.

 

  La Soule est la plus petite province des 7 qui composent le Pays Basque et également des 3 qui sont en France.

C’est la moins peuplée, c’est la plus authentique, gardienne du patrimoine culturel: on y joue toujours les fameuses Pastorales,

sortes de pièces de théâtre populaire avec un rituel tellement figé qu'on arrive à suivre le fil

même si on ne comprend pas la langue basque; mais qui attirent toujours beaucoup de monde.

Le manichéisme  du bleu et du rouge, du bon et du méchant tient en haleine, durant 3 heures, les spectateurs initiés.

MAULEON, capitale de la Soule, a eu son heure de gloire quand l’industrie de l’espadrille était à son apogée,

quand elle fournissait aux ouvriers du travail et aux travailleurs des sandales bon marché.

La fabrique de l'espadrille, demandant de la main d'oeuvre, s'en est allée vers d'autres coins où cette dernière

 n'y est pas encore trop chère, quelques artisans Mauléonnais s'y accrochent toujours en y apportant

de l'originalité pour se démarquer. A la maison, je ne chausse jamais de pantoufles; essayez une paire d'espadrilles

et vous vous sentez aussitôt en vacances. L'espadrille est quand même une belle invention.



Maintenant c’est une grosse bourgade endormie comme dans beaucoup de régions de France qui ont vécu de la

mono-industrie. Comme dans toutes régions peu riches, il n’y a pas beaucoup de vestiges remarquables.

La population ouvrière n'investit pas dans le paraître. Il y a une grosse population venant de par delà la frontière.

 Quand on émigre, on laisse tout dans son pays d'origine et quand on est en minorité, on se fond dans le paysage.

Il n’y pas grand-chose à voir, peut-être le musée de la sandale et surtout le château qui domine la ville.

Il a hébergé un temps un « mauvais lion » qui a laissé son nom à la ville. En leur temps, les Anglais aussi sont passés par là,

certains doivent penser à Aliénor d’Aquitaine. Ils y sont même restés un bon moment, 

d’ailleurs il doit y avoir des petites petites-petites fillottes d’Anglais ; aux détours d’une rue,

j’ai souvent cru apercevoir Margaret Thatcher ou sa sœur.

Beaucoup de Basques sont partis au loin, en grand nombre, parce que la ferme paternelle était destinée à l'aîné et

ne pouvait être partagée, parce que leurs gènes les poussent irrésistiblement vers l'Ouest,

parce que la grande mer ne leur fait pas peur, et pourquoi ne pas, tant qu'à y être,  

 pousser jusque là-bas, jusqu'à l'équateur;

à Manille j'ai discuté avec une Bebeth Ituralde .

 

Mais la campagne environnante au pays est si belle, si verte avec quelques taches de laine blanches.

Les Anglais ici, ont dû se souvenir de leur petite enfance.

 

Le vert ici prend toute sa place, il faut bien que la pluie laisse son empreinte.

 

Un temps, le lait des brebis partait jusqu'à Roquefort.

 

Rouler à moto au Pays Basque est un régal, la monotonie n'est pas à craindre.

 

Calme, verdure et tranquilité...Le Souletin est un contemplatif silencieux. Ce n'est que dans les églises qu'il  s'exprime.

Poussez la porte de ces bâtisses un jour de fête et vous ressentez dans cette pénombre les vibrations puissantes des choeurs.

On pourrait penser au gospel mais c'est moins endiablé,

c'est plus mélancolique, c'est presque des chants sacrés. Un temps encore, pas si lointain que çà,

Les hommes étaient ensemble en haut et les femmes ensemble restaient en bas.

Il n'y avait qu'ici et en Bretagne où les églises étaient bondées.

 

Sur la route de Saint Jacques de Compostelle, un hôpital; celui ci est protégé par Saint Blaise.

 

 Voilà que les cloches sonnent midi. Le restaurant n'est pas loin. Il tient la deuxième place dans l'ordre des priorités...

 

Ici comme dans bon nombre de coins en France, passer à table est une fête...en entrée: Crème de Garbure,

chantilly de foie gras, languettes d'andouillette, piment d'Espelette, amandes grillées...

Omelette de cèpes agrémentée d'une salade aux pignons...Goxoki... Civet de chevreuil...Fondant au chocolat, 

Mousse de marron...avec je ne me rappelle plus quoi parce c'était la béatitude après

cette chevauchée dans l'air vivifiant de Février et je commençais à me détendre.

 

Vers les 3h de l'après midi,  il a bien fallu repartir. J'ai eu du mal à démarrer ma Pacific Coast

alors qu'elle démarre très bien d'habitude.

J'ai failli vider la batterie avant de m'apercevoir que l'interrupteur était sur OFF. Sans doute un gamin en passant...

L'architecture des habitations n'est pas aussi typique que près de la côte. Il y a cependant une certaine unité.

Du noir pour les toits à 4 pans, la couleur de l'ardoise, les murs majoritairement blancs, la couleur de la chaux.

Souvent une galerie sur un côté. On voit souvent la couleur rouge, le rouge basque sans doute.

Les maisons des villages se regroupent ici autour de 3 centres d'intérêts: L'église en premier, 

la mairie et surtout le fronton,lieu de rassemblement des jeunes qui ont tous une pala à la main;

c'est de moins en moins vrai de nos jours.

Une autre construction typique d'ici est le Jai alai, fronton couvert avec mur à gauche et xilo.

Quand on dispute une partie dans un trinquet, on voit de suite la complexité de l'âme basque.

Au tennis, c'est simple, c'est droit: l'adversaire est en face, il vous envoie la balle que vous essayez de renvoyer.

Ici l'adversaire est derrière vous, la pelote frappe le mur avec un angle d'incidence Î,

il vous faut deviner sous quel angle elle va vous revenir... ou pas si l'adversaire a réussi à la placer dans le xilo,

cette pelote pouvant même vous passer vers l'arrière si elle prend le chemin du pan incliné situé sur un côté.

Tout çà sur des surfaces souvent pas planes aussi bien pour les murs que pour le pan, générant des rebonds

biscornus que seuls les Basques peuvent maîtriser.

Si on vous invite pour une partie, déclinez l'offre, vous ne voyez pas les choses de la même façon.

 

Ils ont des coutumes bizarres...au Moulin Rouge il n'y a pas que la main...

 

Sur le chemin du retour, je me demandais ce qui pouvait résumer le mieux ce Pays Basque de l’intérieur;

le Pays Basque de la côte est bien différent. Ce ne sont pas les villages et leur architecture,

à part peut-être les églises aux trois clochers et les vieilles stèles discoïdales  à leur pied.

Ce ne sont pas les Basques qui ont, comme tout le monde, changé.

Je retiendrai surtout les monts verts rasés de près, encore fauchés durement à la main pour cause de pentes trop accentuées

et ces moutons blancs à tête noire qui vous regardent passer, de loin,

parce que leurs mères leur ont transmis qu’il faut toujours se méfier des étrangers.

 

Périple de 275kms; 1 journée ; 1 Pacific Coast; 2 personnes.

Date: Début Février 2009

Tarbes;  Pontacq; Oloron; Esquiule; Montorry; Tardets; Trois-villes; Menditte; Mauleon



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****************Un week-end en Soule*********************************************************

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****************Vidéo "de la Madeleine à Saint Jean Pied de Port"***********************************

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