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Traversée du désert des Bardenas

Par Semeac


Le fond musical que vous entendez est une improvisation enregistrée dans le désert des Bardenas. La touche du désert est ce fond de bruit de vent. Ce vent nous a accompagné durant toute la traversée et nous a épargné de la chaleur. Ce vent doit être un habitué des lieux vu la centaine d'éoliennes qui hante cette région  dans sa partie Sud.

Ce désert situé en Navarre et pas très loin des vertes Pyrénées nous a réellement dépaysé durant une journée. Ce dépaysement est  d'autant plus étonnant  que c'est un lieu pas très connu parce que non spécifié dans les pourtant nombreux films et spots de pub pour voitures qui y ont été tournés.

 

Imaginez les séquences de western et la magie des grands espaces vous envahit. Apaches, Apalaches, Ennio Morricone, Rio Bravo, John Wayne et j'en passe. Votre regard se perd vers l'horizon et votre imagination galope à la poursuite des bush en mouvement. Mais vous restez sans voix avec pour seule litanie, celle du vent.

L'entrée du désert est très discrète, pas très loin de la commune d'Arguedas. Cela commence mollement avec des paysages façonnés par l'homme: corrals entourés de solides clôtures à l'image de ces bestiaux de taureaux qui vous regardent passer, ou alors ces carrés verts de rizières inondés. Allez savoir pourquoi, voir des rizières, cela m'émeut.

Une petite route asphaltée serpente tranquillement vers le sommet de petits coteaux et là, au détour d'un virage, c'est le choc visuel: une cuvette à fond plat avec des sommets çà et là, le paysage typique qu'on se fait du désert et ses teintes de jaune sable, ocre, orangée et qui vous met pied à terre.

Aujourd'hui, le désert est vraiment désert, c'est à dire qu'il n'y a vraiment personne. On pouvait s'arrêter au milieu de la route, admirer tout autour, embrasser le sol, se prendre la main et faire une ronde sans que cela gêne quiconque, avec le vent pour seul spectateur.

Au bout c'est encore l'inconnu, encore et encore. Pourvu qu'il nous reste de l'essence au fond de nos réservoirs et encore des sens pour pouvoir nous émouvoir. Cette photo ne vous rappelle  rien? Une bande d'asphalte rectiligne qui vallonne, le vent qui vous joue un air d'harmonica: une Route66 européenne.

C'est simple, c'est droit, c'est toujours la ligne droite, c'est toujours tout droit, au bout de l'horizon, c'est là qu'on va.  L'asphalte a laissé place aux gravillons, au sable fin. Au moins, les gens de par ici savent qu'on est par là, à nos panaches de poussière.

C'est une étendue de 42.500 hectares, 40Kms de long sur 25Kms de large avec un point culminant: le Prallon (593m). La partie la plus spectaculaire est la partie centrale: la Blanca. Les Bardenas Reales est un parc naturel depuis 1999, donc réglementé. La piste carrossable est en surligné sur la carte.

 

Jadis, c'était un paradis pour crocodiles et tortues. Le désert est dû à l'érosion et à la disparition des forêts qui recouvraient la région encore au XVI° siècle. On est toujours impressionné de voir le travail de l'érosion, cette façon de sculpter le sol, tels ces chateaux forts de gypse et d'argile, toujours à défier le temps.

Ces couches, ces strates, bandes horizontales légèrement colorées d'une époque révolue, patiemment déposées, patiemment dévoilées à coups de griffes transversaux par toutes les rares ondées qui passent. Les précipitations annuelles ne dépassent pas 400mm.

Glace à l'Italienne pour géant gourmand, crème molle de vanille chocolatée, plaques de nougat praliné, résistant vaille que vaille aux coups de soleil et de langue répétés.

Pour les photos, il n'y a que l'embarras du choix, il y a de quoi saturer la carte mémoire de nos appareils photographiques, mais il est plus difficile de saturer nos rétines.

Une simple couche de cacao et on fond, ces simples plissements sur ce bleu profond en fond. On est en extase pour des riens qu'un rien arrange. Dieu que les roches sont belles.

Cette cheminée des fées (Castildetierra)  est la vision emblématique des Bardenas, on la voit sur toutes les brochures qui parlent de ce désert, classé réserve de la biosphère par l'UNESCO.  Fierté érigée qui durera plus que nos motos, mais  fières quand même de se montrer à ses côtés.

Un désert sur terre, c'est vivant de toute cette faune qu'on ne voit pas et pour çà il faut de l'eau. Elle est là, dans quelques recoins, quelques mares où, tous les soirs, les habitants des lieux doivent venir y boire à l'abri des regards, le désert étant interdit aux humains une heure avant le coucher du soleil.

L'eau disparue laisse ses traces plus ou moins fraîches, sculpte  le paysage à son image, polissant les angles et les coins, entraînant toutes les substances friables et instables. Il reste une croûte  que le vent termine de modeler.

L'eau, en s'enfuyant, creuse force ravines, petits canyons qui deviendront grands à l'image des frères d'Amérique... pour d'autres générations

Ainsi naît une cheminée des fées, si vous avez la patience d'attendre.

L'eau était là il y a un moment, pour un moment, avant de disparaître mais en laissant une carapace d'écailles protectrice à la terre, dure sous les pieds; vision désolante d'une promesse de vie qui se dérobe, vert éphémère jurant pour un instant sur le jaune pâle du désert.

Des vestiges de vie qu'on pressent difficile dans ces temps lointains où pénibilité s'accrochait à toute vie. Poussière d'homme, poussière de vie qui a traversé pendant un instant cet espace et qui a eu cependant le temps d'admirer ces beautés qui le dépassent.

Maison écrasée de chaleur, vivant repliée sur elle même, résistant tant bien que mal par 45°C, résignée en attendant la fraîcheur réparatrice de la pénombre, calquant son mode de vie comme le fait tout le contexte environnant, sur celui des pays sub-méditerranéens,

Où vivent ces femmes en burka noire, cachant rimel et kohl qui approfondissent leurs yeux couleurs de soir, passant leurs journées à chevaucher des destriers bleu.

Au détour d'une entrée de grotte, décalée telle une vision judéomauresque, une synthèse entre le nord et le sud, us du sud qui auraient migré au nord, coutumes du nord s'implantant au sud.

Les haltes sont trop brèves et c'est la piste toujours recommencée, qui chevauchant une BM qui chevauchant une PC; il nous faut toujours aller de l'avant, toujours tout seul, que c'en est impressionnant.

Si on observe le règlement, si on traverse en engins motorisés, il ne faut pas quitter les pistes, il ne faut pas rouler en convoi de plus de 5 véhicules, il ne faut pas dépasser 40kms/h et uniquement sous la lumière du jour.

On était seul sur la piste, on était seul dans sa tête, le vent semblait imiter Dylan, les caillous imitaient les balles, au passage des pneus; ainsi circulait Lerenar tel un poor lonesome cow-boy far away from home mais heureux de l'être.

Une bande de casques sombres...de vieux écrits parlent de bandes de bandits de grands chemins écumant ces lieux au Moyen-Age. Bardeñas dérivant de "abar" et "dena" c'est à dire "tout boisé". La forêt des Bardeñas servait de refuge.

Cailloux après cailloux, on glisse vers le nord, vers la région d'El Plano, où l'homme tente de domestiquer cette terre ingrate. On peut voir de part et d'autres du chemin des champs labourés, aux mottes dures comme des pierres

malgré la dureté de cette glèbe, on ne sait par quelle magie, par quelle ruse de survie, elle arrive à se couvrir quand même au printemps, de la blondeur rousse des céréales, un désert atypique, un désert de vie.

Les chardons et mauvaises herbes comme partout mal-aimés, comme partout pourchassés sont rejetés en bordure de chemin. Blanchis par les véhicules de passage mais pas plus que ces derniers d'une poussière fine, qui doit bien colmater les filtres à air.

En cette fin de printemps, par ici, c'est déjà l'heure de la moisson. Ici aussi, il n'y a plus la fête, l'homme solitaire dans sa cabine certainement climatisée oeuvre seul au volant de sa machine, insensible aux éléments.

Vision de fraîcheur dans un monde abrupt...à force d'irrigation, de conduites forcées, à répandre cette eau bleue verdâtre, l'homme opiniâtre arrive à ses fins: vaincre la faim et toute la misère du monde.

On se retourne pour voir le chemin parcouru. Quelques temps auparavant on était là-bas, de l'autre côté, où il y avait tout à découvrir. On n'a fait que rester sagement sur la piste, il nous faudra revenir à pied ou en vélo pour admirer d'autres perspectives.

Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage...ce fut un beau voyage, une belle traversée, tellement belle qu'on en est tout étonné. Il y a des périples qui restent longtemps en tête, celui ci en fait partie, toutes les conditions pour celà étaient réunies. On gardera de cette traversée une belle image, une, perdue parmi tant d'autres, parmi tant de beautés que recèlent notre terre.

Tarbes>>>Bardenas: 300kms

Périple de 2 jours

4 motos: PC800, R1150RT, Norge1200, Pan1300

4 personnes

Juin 2009

 

 

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******************Quelques Photos de plus******************

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********************3° sortie Bardenas**************************