Ah Alquezar |
Écrit par Chrise&Semeac |
On avait reculé la sortie d’une semaine pour cause de mauvais temps. Ce Samedi 9h il fait un temps magnifique. Il est grand temps de partir. Depuis un petit moment déjà, je n’hésite plus sur la moto à prendre. Pour les longues distances c’est maintenant Pan1300. La PC800, je la réserve pour le trajet maison-boulot, la PC800 consommant trop d’huile lorsqu’elle roule à haut régime en continu. On devait être 3 motos, puis 2, puis au dernier moment on se retrouve tout seul mais, pour découvrir de nouveaux paysages I'll be there anytime. On sera plus libre de s’arrêter, où on veut, selon nos envies. Je pense avoir pensé à tout, j’avais même la veille couru les magasins pour trouver des mèches servant à réparer les pneus tubeless. Il m’a fallu aller à 3 endroits avant d’en trouver. Soit c’est une denrée recherchée soit au contraire, personne n’en a besoin, mais comme je ne suis pas un vrai aventurier, j’ai besoin d’être rassuré. Les batteries des appareils photos ont été rechargées. Les appareils photos vont servir. Les itinéraires sont dans le GPS, il est en train de chercher les satellites. L’autoroute est quasi déserte et les rares automobiles sont d’humeur baladeuse. Le début du parcours commence par des A : Arreau, Ancizan, Aragnouet, Ainsa, Alquezar , on aurait pu passer par le col d’Aspin pour compléter la collection. La vallée d’Arreau est encombrée de villages, on en sort d’un, pour rentrer dans un autre ; on comprend les griefs de ceux qui sont pressés d’atteindre les pistes de ski. On sent bien que par ici on ne reçoit pas beaucoup de Parisiens skieurs, sinon les Pyrénées seraient striées de grands axes routiers à l’image des Alpes. Pour l’heure, par ici, c’est encore très familial, les routes sont étroites et les virages nombreux. La traversée de la frontière France-Espagne se fait sous terre. Le tunnel est en travaux et le passage se fait d’une façon alternée. On a eu le temps d’admirer longuement le paysage devant le feu rouge à l’entrée du tunnel. Malgré cette facilité de passage vers l'Espagne, on ne peut pas, avec une moto, franchir la frontière à n'importe quel moment de l'année. A la sortie, on a bien changé de pays, les versants Nord et Sud sont bien différents. Après la montée, c’est la descente et bientôt Ainsa est là. En se retournant, la barrière blanche des Pyrénées se détache du bleu voilé ambiant. Pour être plus près de l'eau, il faut quitter l'asphalte. La lourde Pan est malhabile en terrain gras, on attrape vite des suées quand on est sur des sentes humides; comme on ne peut pas faire de demi-tour pour cause de voie étroite, on va jusqu'au bout de l'aventure et quand le moteur se tait et que le cœur s'apaise, on est en extase devant ce silence limpide. Une pause à Ainsa, sous des parasols qui font leurs premières sorties de l'année, blanche invitation de communion avec les premières sorties de motards. Les arbres ne disputent pas encore le vert aux pelouses, mais l'heure matinale n'est pas encore propice à une élongation siesteuse. Une pause après 2 heures et demi de moto, c'est appréciable et on se laisse aller...à imaginer que là-bas au loin, il y a un port et qu'au bout du ponton, un voilier nous attend, pour un embarquement immédiat, pour une balade hauturière. Ici l'eau n'est pas la même que de l'autre côté des Pyrénées. Ici ils utilisent d'autres colorants, avec le bleu ils rajoutent beaucoup de vert. Cela va du vert peppermint glacial au glauque profond, on peut voir dans nombre de recoins des nappes turquoises et des flaques de jade. Que peut on voir de l'autre côté du miroir, la symétrie des formes, l'envers du décor, la ligne de partage, l'être et le paraître, le ciel et l'eau...ce qui est sûr, c'est que celui qui a pris cette photo préfère l'eau. Que voyaient les gens d'avant, à cette place, avant que l'eau ne recouvre tout. On parle de village englouti dont la cloche de l'église tinte toujours. Mais ici à Mediano, tout est silencieux. L'eau mieux que le temps fige les sons et les mémoires. Heureusement qu'il fait beau, il y a moins d'interrogations, est ce que quelqu'un a eu l'idée de faire une visite de cette église, en masque et tuba. Une photo de cette église dont j'ai vu le toit, tirée d'un forum de plongeurs (plongeurs.com). C'est une photo prise en fin d'été, quand le niveau du barrage est au plus bas. Vu le niveau de l'eau, cette année là, il a dû y avoir une belle sécheresse. On voit nettement jusqu'où montent les eaux. 40 ans après avoir quitté les lieux, les villageois sont revenus se recueillir à un moment où le site était accessible et ont fait tinter une dernière fois la cloche de leur église. Aqueduc en béton qui s'oublie plus facilement que celui du Gard. Dans les pays secs, il faut acheminer l'eau là où on en a besoin. On a souvent l'habitude de passer par dessus les cours d'eau, on n'y fait plus attention. Quand il faut passer dessous, il y a un tout petit moment d'hésitation. On est au pays des oliviers et amandiers. Je ne comprends pas cet engouement pour les oliviers dans le Sud-Ouest, ici ils sont plus chez eux, on trouvent des spécimens de taille respectable et leur grand âge force le respect. Les amandiers sont en fleurs, une fleur bien fragile au regard de l'écorce rugueuse des troncs.
Pause casse-croûte près de Pozan de Vero. Une petite chute d'eau en fond, une tranche de Pata Negra avec du bon pain, un petit verre de tinto de la casa, les joies simples. Mais il faut un peu s'écarter des passages fréquentés, il reste encore du travail à faire dans l'éducation à l'environnement. Il faut perdre les habitudes de caisseux quand on voit ces sentiers bucoliques. Faire les chemins de traverse avec une Pan n'est pas très recommandé, surtout si on est tout seul. La moindre portion boueuse en pente, c'est la galère assurée. J'emporte dans un vide-poche une plaque métallique que je glisse sous la latérale lorsque le terrain est meuble. La route retrouvée, nous mène droit à Alquézar. Il faut dire ké et pas qoué. Son nom vient de al qasr (forteresse en arabe). La forteresse n'a des murailles que d'un seul côté, de l'autre, les défenses sont naturelles. Les Arabes étaient par là au IX° siècle. Vu la topologie des lieux, c'est un site stratégique. Ils n'en ont été chassés qu'au XI° siècle. Il est resté des vestiges que les occupants suivants ont embellis.
Nous nous sommes précipités à l'hôtel pour être sûrs d'avoir une chambre avant de commencer toute visite, mais la saison touristique débute à peine et nos craintes étaient injustifiées. L'accès difficile et le manque de parking doit diriger les commensaux vers des solutions plus aisées. Nous sommes au coeur de la petite ville, difficilement accessible en voiture. Pour la moto, une petite niche pour passer la nuit suffit. En passant j'ai vu des petits box dans lesquels il y avait une voiture. Que de temps en manoeuvre et de patience il faut, pour s'extirper de telles cavités. Le sol est bien sec mais je me demande comment les pneus peuvent se comporter lorsque c'est humide et qu'alors les petits galets deviennent glissants. Un hôtel situé en plein coeur du village et on se sent villageois pendant un moment. Cela doit être la guerre pour bénéficier d'une jolie vue. La nature a heureusement tout prévu, les maisons sont sur gradins en demi cercles comme dans un amphithéâtre. La vue de notre chambre d'hôtel sur la gauche donne sur les gorges du Rio Vero.
La vue sur la droite de notre chambre d'hôtel donne sur nos voisins d'un week-end. Ici, tout le monde a les yeux rivés sur les mallos bordant le Vero. En haut, maisons en terrasses, plus bas, voitures en terrasses et encore plus bas, oliviers toujours en terrasses. La marche à pied dans le village est de rigueur. Y a t il beaucoup de centenaires à Alquézar? Vers 17h il est temps de faire la descente vers le Rio Vero. La balade la plus courte dure 1h30 pour un dénivelé de 300m. Pour y parvenir on a cherché le chemin vers les Pasarelas. Il démarre non loin de la Plaza Mayor. C'est bien indiqué, par des flèches d'un vert presque fluo. C'est ténu, mais on sent que par ici, on est pour l'écologie. Le chemin serpente dans une faille, bordé sur la gauche par une falaise de couleur ocre-rose tachée de traînées gris-noir, comportant des cavités plus ou moins profondes. Certaines sont véritablement profondes alors que d'autres sont comme des impacts de boulets de canons de géants. Sans doute des vestiges de demi-marmites de ces mêmes géants, quand une rivière creusait cette roche.
La sierra de Guara est très connue des escaladeurs-grimpeurs, des randonneurs et de ceux qui font du canyoning. Au centre du village, j'ai vu plein de gîtes qui leur sont réservés. Sur certains sites dédiés à Guara, il y a des photos magnifiques, il faut certainement les gagner, au prix de longues heures de marche. Alquézar se trouve en limite de la Sierra de Guara. Et au fond coule une rivière. Les cailloux des rives sont blancs de calcite, donnant à l'eau un aspect laiteux ; quand il y a suffisamment d'eau, le vert est beaucoup plus mentholé. L'étroitesse des gorges tempère les ardeurs du soleil, ceci conjugué à la couleur de l'eau fait que même au milieu de l'été, l'ambiance est sereine. La rivière a creusé un méandre dans une grotte, identique à celles qu'on peut voir en hauteur sur la falaise. J'ai attendu longtemps que l'escaladeur grimpe au plafond...ce n'était sans doute pas la bonne heure, ce n'était sans doute pas la bonne dimension. Quand il y a beaucoup d'eau, la balade peut quand même se faire, grâce aux passerelles bien en hauteur, à flanc de paroi. En période de grosses pluies, quand le niveau de l'eau approche des grilles et que le courant griffe furieusement la paroi, il ne doit pas y avoir beaucoup d'Indiana Jones. Par endroit, il ne faut pas être trop gros. La tête frôle des saxifrages qui poussent leurs racines dans la moindre anfractuosité. La rivière lèche tantôt une paroi, tantôt l'autre, insidieusement elle creuse plus profond.
Après la Centrale hydroélectrique, on reprend de la hauteur. Le sentier s'éloigne du lit de la rivière, on ressent à nouveau la chaleur qui donne aux Vacoas spectateurs, les couleurs du rio qui s'écoule tout en bas. Encore plus en hauteur, écartelés dans le ciel, planent vautours moines et oiseaux de proie, au loin et en silence. On a même vu un Percnoptère, reconnaissable à ses ailes blanches. Et en haut est Alquézar, un village qui ressemble aux médinas. La ville est construite en demi lune, ce rappel arabe fait l'objet d'une statue au sommet de la ville. Les ruelles sont étroites, sinueuses, bien pavées, avec une rigole pour l'écoulement des eaux de pluie au centre. Pas de trottoir vu qu'il n'y a pratiquement pas de voiture. Proprette, humaine, on s'y sent bien. Est ce parce qu'on est hors saison, la ville nous a semblé un peu déserte.
Le centre urbain fut déclaré ensemble historique et artistique en 1982. Il y a une politique de restauration (subventions) et on ne peut pas faire ce que l'on veut. Il y a donc une unité architecturale certaine, une harmonie qui attire les touristes. Ne dit on pas qu'Alquézar est le plus beau village d'Aragon. La brique et la pierre donnent une ambiance chaude.
La place Ayerbe, à l'image de la ville, petite ; les différentes sortes de piliers soulignent son ancienneté à la différence des pavés. Là se tenaient les marchés, à l'abri sous les arcades. Des blasons sculptés sur quelques façades renseignent sur l'importance de la place. Une caractéristique d'ici sont les Pasos en Alto ( passages élevés reliant les maisons entre-elles, qui servaient à aller en tout point de la ville sans avoir à passer dans les rues, très pratique pour éviter les envahisseurs). Sous ces passages sont maintenant, remisées les hautes échelles destinées à la cueillette des olives.
Eglesia San Miguel à droite et Colegiata Santa Maria au fond, depuis une terrasse de café, en attendant que le soir arrive et que le repas se prépare et que le gros des cars de touristes qui ne résident pas ici soit parti. Un repos bien à propos après ces quelques kilomètres de montée et de descente. Les lampes s'allument et éclairent la ville d'une couleur jaune miel ambré. Le calme tombe aux alentours, mais jamais vraiment parce que les Espagnols parlent naturellement fort. On quitte Alquézar après le petit déjeuner pour s'enfoncer un peu plus dans la Sierra de Guara, vers Rondellar. Le village en lui même n'est pas extraordinaire mais il y a foule, plein de fourgonnettes d'où sortent des jeunes avec des casques en plastique sur la tête, des rouleaux de corde sur les épaules, dans des éclats de voix espagnoles et de cliquetis de mousquetons métalliques. Rondellar est le point de départ d'excursions que je ne pourrais pas suivre. Un petit arrêt au Salto de Bierge. Ce n'est pas la rivière Vero, mais la couleur est la même. Derrière la bâtisse, la berge est accueillante et l'eau très claire. Quand il fait chaud, beaucoup de plongeurs se jettent du haut du barrage, un peu d'adrénaline dans un peu de fraîcheur. Sur le chemin du retour, se dresse le fier Castillo de Montearagon, pas loin d'Huesca. C'est surprenant qu'il n'ait pas eu de travaux de restauration de faits. Actuellement il y a des travaux de consolidation en émergencia parce que cela menace de s'effondrer. C'est un gros château qui a eu son heure de gloire, et on peut facilement imaginer la colonne de chevaliers le long de la rampe en Z qui grimpe au pied. D'en haut on a une vue dominante sur la région, en l'absence de géomanciens ils savaient quand même bien choisir leurs sites. En l'absence de télévision, rien ne valait une contemplation de l'univers dans l'embrasure d'une fenêtre. D'un côté une région aride et déserte et de l'autre en contraste la grande plaine verte d'Huesca. Loin, tout au fond, des mallos qu'on rencontre un peu partout par ici. Au loin le ciel était menaçant sur la région de Piraces que l'on devait traverser, si bien qu'on a changé de route et écourté notre périple. On a mis cap vers le Nord où, d'après la Météo, la pluie devait nous attendre. La météo ne s'était pas trompée, un peu avant le col du Portalet, elle était là, le brouillard aussi. La météo n'avait parlé que de pluies éparses et je n'avais pas jugé bon de prendre le pantalon de pluie, les gouttes après avoir ruisselé sur le blouson viennent maintenant imbiber le jean du pantalon. Les nuages étaient bien installés, à cheval sur la frontière. De bonnes couches d'eau traversaient la route au détour de chaque virage. Le roulage dans la descente vers Eaux Chaudes s'est fait prudemment, l'eau qui descendait vers le bas du pantalon était quant à elle bien froide... parfois, on se sent bien loin de la maison. En roulant dans ce désert montagneux humide, je pensais à toute cette eau qui, en dévalant vers les embalses, va submerger un peu plus la petite église de Mediano.
Périple de 535kms; 2 journées ; 1 Pan ST1300; 2 personnes. Date: Mars 2011 Tarbes/ Aragnouet/ Ainsa/ Barbastro/ Alquézar/ Rodellar/ Bierge/ Huesca/ Biescas/ Portalet/ Eaux Chaudes/ Louvie Juzon/ Asson/ Pontacq
*****************Sortie 30 Septembre/ 1° Octobre 2017*************************************
Les photos: https://photos.app.goo.gl/GCtIovHCRC4viZ9t1
6 motos, 11 personnes. Nuit à l'hostal Narbona au coeur du village. La patronne parle parfaitement le français. Pas de parking couvert. Repas très très correct. Dommage que le temps ne fut pas meilleur. Les itinéraires: Aller: La portion entre Broto et Escalona est intéressante.
Retour: La route du côté de Sopeira est superbe.
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