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Un scan de Scandinavie
Écrit par Chrise&Semeac   


     Au départ, possédant une moto Guzzi Norge, on se devait d’aller en Norvège. Mais même sans une Norge, le cap Nord est un rêve pour tout motard. Le rêve pour moi a duré trop longtemps, de reculades en remises aux lendemains, le temps passe inexorablement. A l’aube de la retraite, faire autant de route me faisait un peu peur, d’autant que nombre de compte-rendus de voyageurs, relataient une météo capricieuse, avec plus de jours de pluie et de froidure que de soleil et de chaleur estivale. Pourtant le road-book était fin prêt. Le jour du départ programmé. Il n’y avait plus qu’à. Nous sommes partis en camping-car.

 

     Le road-book n’a servi que pour les destinations principales, de fil directeur. J’ai beaucoup brodé tout autour. Avec une moto, les points de chutes sont programmés à l’avance si on veut un hôtel avec garage pour parquer l’engin, sécurité oblige. Avec un camping-car on s’arrête pour la nuit, presque où l’on veut quand cela nous chante. Il n’est plus question de timing pour atteindre le lieu d’hébergement. On peut même faire de longues randonnées pédestres en abandonnant le véhicule sur un recoin de la route. Il y a cependant le problème du gabarit. Nous avons opté pour le plus petit camping-car du marché : 4,90mx1,99m, pas plus gros qu’un SUV et j’ai pris les routes comme si j’étais en moto-GT. La Norvège est le pays rêvé pour le camping-car, d’ailleurs, la plupart des camping-cars que nous avons rencontrés étaient Norvégiens.

Notre première nuit en Norvège,  loin de tout, sans voisin humain ou animal, sans fureur urbaine, à regarder la nuit qui tarde à venir, normal à cette latitude.

 

De Langesund à Rosskreppfjorden.

     Le ferry partant de Hirtshals au Danemark met 4h30 pour atteindre Langesund en Norvège. Le flot de véhicules se déversant sur le quai s’ébroue dans les 3 directions opposées à la mer. Bientôt nous voilà seul car nous ne partons ni pour Oslo, ni vers l’ouest. Nous longeons le canal du Telemark qui permettait le désenclavement de la région éponyme à une certaine époque mais qui ne sert que pour faire voyager les touristes aujourd’hui. Sur le tracé du canal, on peut admirer des prouesses techniques comme une écluse, à 5 niveaux permettant de franchir un dénivelé de 25m, située à Vrangfoss.

 

     En allant vers le Nord-ouest, un peu avant Dalen, nous découvrons notre première « église debout » à Eidsborg. Ces constructions particulières ne se voient, je crois, qu’en Norvège. La rencontre avec ces Stavkirke ne laisse pas indifférent. De plus, celle-là se trouve dans un cadre idyllique, pourtant elle est très méconnue. Nous l’avons trouvée magnifique même si d’autres, rencontrées plus loin la surpassent. Nous sommes arrivés un peu tard et les visites de l’église et du musée attenant étaient terminées. Nous nous sommes contentés d’en faire le tour découvrant par la même occasion le cimetière norvégien d’une zénitude on ne peut plus sobre.

 

     On rejoint Dalen par une route en descente zigzagante comme on peut en rencontrer dans les Pyrénées. Dalen se trouve en pointe d’un lac et non d’un fjord. A cette distance, je vous mets au défi de faire la différence. Ne pouvant goûter l’eau : salée ou pas, ne pouvant voir les algues caractéristiques des pourtours des fjords. Les parois des rives plongent aussi abruptement dans une eau variant sans distinction apparente du bleu au vert profond. Je suis resté longuement à contempler mon premier fjord avant de voir sur la carte que ce n’était qu’un vulgaire lac.

 

     Après Rysstad, on tourne à droite pour aller vers Suleskard. La route étroite avec plein de niches çà et là pour permettre le croisement des véhicules à fort gabarit, un peu cabossée, déroule son tracé dans une région désertique. Le coin est somptueux, seuls quelques moutons mais pas beaucoup en apprécient la rudesse des lieux. La roche émerge souvent tourmentée et nue et dans tous les creux scintillent des platitudes froides. Nous sommes en juillet et dans pas mal de recoins, se recroquevillent toujours des plaques de neige. Le soir tombait sans coup férir. On a beaucoup roulé avant de pouvoir trouver un emplacement accessible.

 


De Rosskreppfjorden à Joperland.

     A Lauvvik, nous avons pris notre premier bac qui rallie Oanes. notre premier d’une longue série.. Ce moyen, peu usité en France, permet d’économiser de nombreux kilomètres au véhicule, les fjords s’enfonçant profondément au creux des terres. Les attentes ne sont jamais très longues, les 2 bateaux quittent leurs quais respectifs en même temps et se croisent au milieu du fjord. Le système est bien rôdé, les véhicules attendent sagement à la queue leu leu le moment d’embarquer, le paiement se fait à bord ou au moment de monter. Le tarif est fonction du gabarit du véhicule. Le bateau glisse sur l’eau lisse, en fermant les yeux, on a l’impression d’être immobile. Ce n’est qu’au moment de l’accostage qu’on peut ressentir un léger choc.

 

     Les ponts sont également très nombreux. Ce n’est pas étonnant quand on voit toutes ces échancrures qui déchiquètent la côte, toutes ces îles proches de la terre ferme. Ce sont souvent des œuvres d’art, en ne se contentant pas d’être de simples poutres droites de béton posées au-dessus de l’espace liquide. Beaucoup font le dos rond, en montant très haut dans le ciel. De loin en voyant cette montée, on se demande si le moteur du fourgon va être assez puissant pour se hisser jusqu’en haut. Il faut dire que dans ces fjords naviguent de gros et hauts paquebots à l’image de ceux utilisés par la compagnie Urtigrutten. D’autres en plus de monter au ciel serpentent dans l’espace en arcs harmonieux.




     A l’instar des ponts, les tunnels se ramassent à la pelle. Ils permettent également de faire des raccourcis de probables routes zigzagantes à en vomir. Je n’ai jamais autant traversé de tunnels. Autant en Italie du nord, ils peuvent être courts, autant ici ils sont souvent très longs. Du côté de Flam, on est resté sous terre 25 kilomètres durant. Ils sont lugubres et ruisselants, inquiétants quand ils descendent en pentes fortes pour passer sous la mer. Certains sont si étroits que des niches sont disposées tout au long pour pouvoir se ranger afin que le poids lourd venant en face puisse passer. Rassurez-vous, ils comportent tous des cabines téléphoniques pour appeler les secours. Certains  comportent de vastes ronds-points éclairés de lumières bleues permettant, sous terre, un changement de direction. D’autres encore grimpent en colimaçon au milieu de la montagne. Il n’est pas étonnant que certains soient à péage.


     Après Oanes nous arrivons au parking du Preikestolen, haut lieu touristique de la Norvège des fjords. Le parking est immense et n’espérez pas d’être seul même s’il fait mauvais temps comme lors de notre ascension. Le Preikestolen est un plateau se dressant à plus de 600m au-dessus du Lysefjord, vue et vertige assurés…sauf qu’après plus d’une heure d’effort à grimper, on était dans le brouillard…toute peine ne mérite pas salaire. Vers la fin de l’ascension, il y a eu un petit moment d’éclairci qui a donné une petite illusion, un encouragement à persévérer mais en vain, un peu comme au Loto. Beaucoup semblaient vouloir y croire et restaient  stoïques dans le brouillard à attendre un hypothétique lever de rideau.



De Joperland à Bergen .

     Il y a une route au plus près de la côte, avec plein de bacs, qui relie Stavanger à Bergen, nous avons préféré prendre la route plus à l’intérieur, la route du Ryfylke. La Rv13 longe en partie le Hardangerfjord. Souvent dans les fjords, les montagnes se jettent dans la mer en parois abruptes. Les rivières en arrivant au bord de la falaise font de même ; en belles cascades comme à Latefoss. Les flancs verts des montagnes sont lardés de traits blancs. En Norvège, l’eau ne manque pas, sous toutes les formes, salée, non-salée et même lourde. Vers Lofthus, de part et d’autre de la route s’alignent les arbres fruitiers. Beaucoup de pommiers et de cerisiers. Les cerises, par ici, arrivent à maturité vers la mi-juillet.

 

 

     Nous avions court-circuité Oslo et retenu comme grande ville à visiter que Bergen qui n’est que la seconde ville de Norvège en taille. Bergen a été un temps la capitale et son passé est très riche. Les constructions y sont principalement en bois et bien sûr très colorées. Le marché aux poissons aux toits de tente rouges est bondé et plein de bonnes odeurs. Des tables dressées attendent que les chalands s’installent. Nous avons goûté au steak de baleine : La couleur de la viande est très foncée, c’est très tendre avec un léger goût ferreux. Pas loin du Torget se trouve le départ du petit train touristique avec audioguide en français. C’est moins pratique que les cars rouges mais permet néanmoins une visite rapide de la ville.

 

     Bergen est la capitale des fjords de la façade Atlantique. Durant l’été de gros bateaux font escale. C’est en Mai qu’a lieu le Festival International de Bergen avec concerts et expositions. Malheureusement nous étions en Juillet, on s’est passé de musique et sommes partis contempler le panorama depuis le mont Floyen. Le départ du funiculaire n’est pas loin du Torget, vers le nord. Tout en haut, on peut admirer tout Bergen et les gros bateaux à quai. La plupart des maisons sont en bois comme un peu partout en Norvège et en lisant l’histoire de la ville on apprend que plusieurs incendies au cours des siècles ont ravagé pas mal de quartiers. On n’en perçoit rien aujourd’hui et la cité est toute pimpante.


     Bergen a bien sûr été la cité des hanséatiques. Bryggen a été reconstruit à l’identique et permet de bien voir comment on vivait à l’époque. Le musée raconte la vie de ces marchands Allemands qui ont fait la prospérité de la ville durant plusieurs siècles. Ils vivaient en vase clos et avaient la main mise sur la vente du stokkfisk. De ce qu’on peut voir, cela ne devait pas rigoler tous les jours, Bryggen était quasiment une caserne avec un règlement très strict. Les marchands de la Hanse n’ont été chassés que fin 18° siècle. Il est dommage de n’avoir pas un audioguide, bien plus agréable que des fiches disposées çà et là.

 

De Bergen à Borgund.

     Il y a foule à Flam pour prendre le Flamsbana. Mais c’est aussi le départ pour une excursion fjordienne. Le Flamsbana est un petit vrai train qui permet d’aller à Myrdal rattraper un autre train pour rejoindre Bergen par exemple. Mais la portion Flam/Myrdal est plutôt empruntée par les touristes. La portion de voie est très technique car passant dans une zone montagneuse avec de forts dénivelés donnant lieu au percement d’un tunnel en spirale. Il y a des arrêts prévus aux points remarquables. Il y a de beaux panoramas en perspective quand le temps n’est pas couvert…


     Sur mon guide, il y a écrit : « La stavkirke de Borgund n’est ni la plus ancienne, ni la plus grande, ni la plus ouvragée, elle est sombre, son mobilier spartiate…et pourtant si l’on devait n’en voir qu’une, ce serait celle-là ». On est d’accord, Borgund dégage un magnétisme certain. Comme il ne faisait pas beau, elle paraissait encore plus sombre. Les dragons sur le toit lui donnent un air asiatique. A côté, se dresse une nouvelle église plus banale quand la première a été abandonnée car trop petite pour accueillir tout le monde. Le musée attenant montre les fouilles d’un emplacement Viking d’envergure.


De Borgund à Geiranger.

     Le bac qui mène à Urnes est tout petit et n’est pas aussi sophistiqué que ses grands frères. Beaucoup de passagers embarquent sans véhicule car la stavkirke est toute proche de l’embarcadère en face. Donc beaucoup font un aller-retour. C’est ce que nous avons fait. L’Eglise est assez quelconque de l’extérieur mises à part les sculptures de dragons en bois massif encadrant la porte condamnée. Par rapport aux autres stavkirke, l’intérieur de celle d’Urnes est complet et chaleureux. N’ayant pas tout compris des explications du guide, je n’ai bien saisi le pourquoi du cloisonnement des rangées de bancs.

 

     Autour d’Urnes, Les framboises font tâches dans tout le vert environnant. Heureuses de pousser dans un cadre aussi enchanteur, elles sont dodues et parfumées mais au goût on sent bien que le soleil manque. En voulant acheter une barquette de fruits, on est admiratif devant la confiance des Norvégiens. Une table est dressée sur un bas-côté, dessus, au milieu des barquettes, un petit carton où il y a écrit le chiffre 25. Personne autour. A côté du carton, une boîte en fer où vous mettez votre argent si vous prenez une barquette. Quand j’ai ouvert la boîte, des billets et des pièces brillantes m’ont indiqué que je n’étais pas le premier acheteur.

 

     Il paraît qu’il est inutile de faire une vraie croisière sur le Geirangerfjord, qu’il suffit de prendre le bac qui relie Hellesylt à Geiranger et vous voyez la même chose. Je rajouterais que dans les 2 cas, il faut qu’il fasse beau pour vraiment comprendre pourquoi ce fjord est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO et pas ses frères. J’ai bien vu les différentes cascades, dont celle des 7 sœurs, les vieilles maisons abandonnées pour cause de trop grande misère, la majesté du lieu. Il manquait le soleil qui aurait tout fait voir sous un autre jour. Le lendemain, ce fût pire et l’arrêt photos à Ornesvingen d’où la vue sur le fjord est la plus époustouflante n’a pas pu se faire. Tant pis, on reviendra.


De Geiranger à Valsoya.

     Le trollstigen, autre temps fort, est bien mis en valeur. Les touristes sont chaleureusement accueillis et des passerelles mènent à des plateformes idéalement situées pour admirer à l’aise la route qui descend en lacets en faisant des nœuds avec le torrent qui suit la ligne de plus grande pente. La chute d'eau fait plus de 300m. On peut également admirer la belle vallée en U et donc avoir un aperçu de ce qui se cache sous la surface lisse de l’eau des fjords. La route étroite par endroit nécessite un peu d'attention de la part du conducteur. La circulation est aisée vu l'attitude courtoise de ceux qui l'empruntent.

 

     La curiosité d’aujourd’hui est la Route de l’Atlantique. Comme du haut de la ligne droite, j’apercevais un début de pont et une aire sur la gauche, je décidais d’un arrêt photo…à côté d’une voiture de police . On en voit très peu sur les routes. Les incivilités sont rares. Les 2 individus en gilet jaune à faire le guet étaient 2 policiers. En règle générale, les Norvégiens sont respectueux des limitations de vitesse. Aux abords des panneaux de travaux, limités à 50, ils roulent à 50. J’ai cependant souvent noté des dépassements bizarres. Souvent la voiture qui vous rejoint ne vous colle pas, elle vous suit à bonne distance, si bien qu’il lui faut une longue ligne droite pour pouvoir doubler. Quand trop excédée par votre lenteur elle se décide, c’est souvent scabreux.

 

     La Route de l’Atlantique va de Eide à Christiansund. Elle saute d’île en île, passe au plus près de l’eau. Il y a bien sûr beaucoup de monde. Malheureusement les places pour se garer sont peu nombreuses et donc encombrées. C’est difficile de trouver, de la route, un angle de vue intéressant pour photographier ces jolis petits ponts. La plus belle photo, on l’a voit sur Internet, une photo aérienne un peu sombre, un serpentin clair sur un fond bleu nuit qui me faisait penser à un Dragon d’un nouvel an chinois. L’entrée à Christiansund se fait avec une portion à péage manuel. C'est assez rare, souvent aux autres portions à péage, tout se passe d'une façon automatique sous l'oeil froid d'un objectif.

 

La route passant par l'échelle des Trolls et la route de l'Atlantique: Trolls-Atlantique

 

De Valsoya à Bodo ;

     Deux longues journées de roulage pour rejoindre Bodo, dans une partie de Norvège un peu "ordinaire". On glisse jour après jour vers le Nord. Malgré les limitations de vitesse à 70km/h, les travaux,  l’état des routes et les arrêts photos, nous arrivons à faire plus de 400kms sans forcer. Il faut dire que nous sommes des matinaux et que les jours sont de plus en plus longs au fur et à mesure que nous approchons du cercle polaire. Pas de villes importantes à part Trondheim. Pas de points marquants à part le renne de Bola, peu évident qui laisse une impression mitigée lors de la visite. Je me suis même demandé si le droit d'entrée était bien officiel.

 

 

     On a squeezé Trondheim et sa cathédrale ressemblant trop à celles  qu’on peut voir par chez nous. De plus Trondheim ne se trouve pas sur le tracé direct vers le Nord. Nous avons continué notre chemin sur E6 qui relie le Sud au Nord, bien bosselée par endroits, souvent limité à 80, rarement à 90, rien d’une voie rapide. Les hivers étant rudes, l’entretien du macadam doit poser bien de soucis.

Au nord de Trondheim, le paysage change quelque peu : moins de fjords et beaucoup plus de forêts de résineux. L’été en Norvège, au niveau végétation, ressemble au printemps en France . Beaucoup de fleurs surtout rose vif, paysages très verts, toutes les nuances de vert. Les champs de blés sont encore vert tendre.

Après Mo I Rana, au niveau du Cercle Polaire Arctique, le paysage d'un coup, se dénude, de grandes étendues vides s’étendent jusqu’à l’horizon en vallonnements paresseux. Un panneau indicateur surgit, avant même que je puisse en lire les inscriptions, il est déjà dans le rétroviseur. Je suppose que le bâtiment circulaire qui arrive à ma droite avec le grand parking devant marque le passage du cercle... (Cliquez là)

Une voie de chemin de fer barrant la plaine sans habitation renforce encore plus l’impression de solitude. Les traverses qui défilent impulsent une impression de vitesse. Imperturbable je suis la route. Celle-ci, accompagnée de la rivière et du rail forment un trio qui filent vers le Nord. Les chauffeurs routiers avec leurs gros semi-remorques prennent du bon temps et filent à fond de cale.

Bizarrement au fur et à mesure qu’on se rapproche du Nord, la végétation se remplume, sous forme de steppe d’abord, avec pas mal de bouleaux rabougris, qui se redressent de plus en plus et se mêlent de plus en plus aux résineux et on retrouve la Norvège du départ avec moins de fleurs cependant. Mais tout en haut, vers le Cap Nord, la roche et les paysages dénudés s'imposent à nouveau.

 

 

     Un peu avant Bodo, un pont enjambe le Skjerstadfjord, assez étroit à cet endroit. Les effets des marées créent un courant puissant, parmi les plus puissants de la planète. Ce maelstrom brasse puissamment les fonds et attire les bancs de poissons en quête de nourriture. Il y a vraiment de beaux spécimens. Les bâteaux des pêcheurs doivent profiter que la mer soit étale pour venir pêcher, ils ne pourraient lutter contre les forces liquides. Les mouettes aussi sont attirées par l'appât d'un mate-faim. Les photographes aussi par la couleur de l’eau et toute cette excitation aquatique.

 

Les îles Lofoten et Vesteralen.

     Le bateau est parti de Bodo  de bonne heure : 6h. C’est la contrepartie de n’avoir pas réservé à l’avance, on voulait être sûr d’avoir une place à bord. L’avantage de prendre le premier bateau de la journée, c’est qu’il y a peu de monde. La journée s’annonçait belle et froide. Au départ en se retournant on voit les pics acérés du côté de Bodo rapetisser. A l’arrivée 3h et demie après, la barrière de Moskenes devient de plus en plus nette.Il est encore tôt et le port sans grande activité. Au sortir du port, beaucoup de véhicules tournent à gauche vers l'extrémité sud. Tout le monde a le même schéma en tête.

 

     Nous commençons les Lofoten en fond d’îles par le village de A. Les Rorbuer, anciennes spartiates cabanes de pêcheurs reconverties en logements avec tout le confort moderne pour la location, sont faces à l’eau sur leurs frêles poteaux. Une architecture simple mais regroupées et peintes toutes en rouge et noir, cela donne un cachet unique,  une originalité bien scandinave. J’apprends que le rouge est la peinture la moins chère. C'est pourquoi dans les fermes, cette couleur est dévolue aux annexes, la maison principale est d'une autre couleur si le propriétaire est un peu riche. En levant la tête, je vois des touristes prenant leurs petits déjeuners sur la terrasse d'un rorbuer les yeux rivés vers le large: inoubliables vacances.

 

     Les espaces plats par ici sont restreints, ils sont tous squattés par les habitations. Les montagnes environnantes écrasent de toutes leurs hauteurs les réalisations des hommes, la mer omniprésente les repoussent vers la montagne. Par ici, l’homme reste simple, les montagnes, la mer et les conditions climatiques lui rappellent  à tout instant sa précarité. Les petits ports dans ce coin de Norvège se ressemblent et se confondent. A, Svorvagen, Reine, Nusfjord, difficile de les départager. Ils sont tous du même bois, ils sont tous de la même trempe. Les photos sont toutes belles.

 

     Plus au nord, cela s’évase et entre 2 montagnes s’étale une grande plaine. On respire mieux, les grands espaces, cela me parle. La nature est plus sauvage quand la concentration humaine est moindre. Je pourrais rester des heures à tout contempler, à tout humer, à tout ressentir. Le regard saute d'un pic aux cailloux, d'une fleur à l'écume. L'air est cristallin, l'eau est légère. On voit des plages superbes avec du sable blanc, qui rend le bleu de l'eau si bleue. Les plages sont bien sur prises d'assaut. La route étant petite, le parking exiguë, la circulation n'y est pas commode. Les gens se contentent d'admirer, peu se baignent, et pour cause. Tous les camping-cars attendent que le soir amène sa tranquillité, quand la plage se vide et que les gens en partant laissent sur place cette beauté qu'ils ne peuvent emporter. 

 

     Dans les Lofoten, des fouilles à Bostad ont permis la reconstitution d’une grande ferme Viking d’un style moderne étonnant. On ne connaît pas l'histoire de ses habitants et pourquoi le site a été abandonné vers l'an 900. Le chef devait être quelqu'un d'important vu la taille du bâtiment. En visitant l’intérieur, on peut  y voir un morceau de vie Viking avec des personnages en chair et en os qui refont les gestes de leurs ancêtres. C’est un peu surfait, de plus, étant un peu réfractaire à la civilisation Viking, je ne me suis pas attardé. Sur le fjord un peu à l'écart, on peut naviguer sur un drakkar.


     Tout au bout des Vesperalen se situe Andenes. Aux larges d’Andenes il y a une fosse marine profonde où se cachent les baleines. Elles aiment ces lieux  car elles y trouvent de la nourriture en abondance. Les pêcheurs du coin en profitent pour monter des safaris. A ma sortie, le guide nous a plus parlé de cachalot que de baleine. C’est plus sûr, pour ne pas rentrer bredouille, de partir d’ici. J'ai rencontré des touristes déçus, ils étaient partis d'un autre port. En compensation, ils pouvaient bénéficier d'un 2° tour de manège la semaine suivante... Dans l’immensité de l’océan, ces mastodontes passent inaperçus. Toutes les 30 à 40 minutes ils doivent obligatoirement remonter à la surface pour respirer. Pour les guetteurs, c’est à chaque fois une émotion. Savez-vous que comme pour les empreintes digitales humaines, la forme de la nageoire caudale de chaque baleine est unique.

 

De Andenes à Tromso.

     Nous revenons à présent sur le continent. Fini les îles, fini les bacs, nous restons sur terre ferme, il reste les ponts et les tunnels. Kilomètre après kilomètre nous approchons du but : le Cap Nord. Toujours sur l’E6 qui déroule son ruban dans le vert des forêts, près du bleu de l’eau. Quand la monotonie ou la somnolence vient, une halte pour tremper ses pieds dans l’eau s’impose. L’eau est d’une transparence pure, dommage qu’elle soit si froide à mon goût. Les voisins ne gênent pas, il n’y en a pas. Sur la route, là-haut, il y a quand même des voitures qui passent, enviant  notre sort, elles s’arrêteront un peu plus loin.

 

     Il faut quitter l’E6 pour aller à Tromso. Un long crochet qui après coup n’est peut-être pas indispensable. La ville en elle-même n’a rien de marquant et la Cathédrale Arctique nous a pas ému. Elle nous a semblé bien froide en été, est-elle plus chaleureuse en hiver, quand elle ne jure plus, sur un fond de neige aussi blanche qu'elle. Un grand et long pont sépare la cathédrale de la ville. D’en haut, je voyais l’Urtigrutten s’approcher du quai. Le nombre de gens qui empruntait ce pont m’a surpris, habitué à ne voir personne sur tous les ponts que nous avions franchis jusqu’alors.

 

De Storslett à Nordkapp.

     Après Storslett, nous avons vu sur un bas-côté notre 1° renne. Depuis longtemps déjà, des panneaux jalonnant la route nous avait averti de leurs présences. J’ai pilé pour pouvoir le prendre en photo à la hâte. Il n’était pas plus inquiet que ça et s’est laissé photographier de bonne grâce. Plus au nord, nous avons croisé des tribus qui traversaient parfois la route à l'improviste. Ayant appris que c’étaient des animaux semi domestiqués par les Samis, vers la fin, nous n’accordions plus d’importance à leurs rencontres. Mais il est vrai qu’un matin, en levant le rideau du camping-car, en voyant l’animal brouter tout près, j’ai eu en tête l’expression camping-sauvage.

 

     Alta possède une cathédrale originale mais nous étions venu à Alta surtout pour les gravures rupestres. 6000 gravures quand même, le plus grand site d’Europe. Les gravures rehaussées de rouge sont peut-être moins authentiques mais bien plus lisibles que celles uniquement gravées dans la pierre. Des représentations d’animaux, d’êtres humains, de tranches de vie se mêlent et s’entrecroisent sur la roche lisse. L’audioguide en Français permet de bien comprendre et aide à bien voir. Il y aurait eu plusieurs phases à différentes dates mais tout est très homogène, d'une facture artistique certaine. Une bien belle balade.

 

     Nous sommes dans le Finnmark, terre des Sami. Les grands espaces sont vides d’habitations. Les rares cabanes dans cette région loin des côtes  cherchent à se fondre dans le paysage. L’eau est toujours aussi présente, les fleurs beaucoup moins. Peu de gens et également peu d’animaux visibles à part quelques petits oiseaux insouciants des masses fondant sur eux. Mais il n’y a rien d’écrasé sur la route, ou très très peu. Le moteur de notre fourgon ronronne, le paysage défile, à l’abri des turbulences dans l'habitacle douillet, nous attendons que cela se passe, nous attendons le Cap Nord.

 

     Le seul peuple premier reconnu d’Europe, les Nazis les tenaient pour leurs égaux racialement, les Samis communiquaient avec les esprits de la nature par le truchement d’un Chaman. Ces occupants du Nord de la Scandinavie, assimilés de gré ou de force, ont pendant longtemps caché leur coutume. Après s'être longtemps tus, ils ressortent maintenant leurs beaux habits colorés, leur jojk du fin fond des âges et rallument le feu au centre de leur tente... pour les touristes de passage malheureusement, comme un peu partout dans chaque coin du monde où vivent des minorités.

 

     La route traverse  un no man’s land chauve, s’élève vers les nuages et file vers la pointe, comme aimantée vers le point le plus septentrional de l’Europe: le Nordkapp 71° 10’ 21’’ de latitude nord. En fait, c’est la pointe à sa gauche le Knivskjellodden 71° 11’ 08 ‘’ qui devrait avoir ce nom. Au Nordkapp, les touristes se font photographier sous le globe squelettique pour la postérité. Pour cela, il doivent passer par le guichet du parking de l'entrée. Le ticket est relativement cher. Un beau bâtiment planté sur le plateau les accueille, un beau film présentant la vie au Cap Nord les attend. On était fin Juillet, le chauffage tournait à fond, dehors le vent glacial limitait les sorties. La couverture nuageuse a fait qu’on n’a pas vu le soleil de minuit, pourtant on s'était arrangé pour arriver avant la fin de Juillet. Mais maintenant on peut dire qu’on y était, qu'on a "fait" le Cap Nord.