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BMW R65 1979
Écrit par Semeac   

BMW R65 de 1979 (03/2020)

 

   Depuis toujours en moi dorment les souvenirs d'une vieille BM. Ceux de ma première vraie grosse moto, une R60/2. Un copain de promotion m'avait prêté la sienne, une ancienne, sans l'ombre d'une hésitation. C'était à une époque où beaucoup n'avaient d'yeux que pour les Japonaises qui commençaient à pousser les Européennes au placard. La R60/2 n'était pas assez vieille pour susciter les égards de quiconque et la grande mode des machines rétros n'avait pas encore cours. Je me rappelle d'une grosse masse noire avec un gros bloc d'alu clair ensaché au milieu et ses 2 rostres ailetés dépassant de part et d'autre, le fameux flat-twin. Je me souviens de mon émotion à la chevaucher et surtout à son soulèvement lors du débrayage. C'était une sensation étrange, la BM avait au démarrage un mouvement d'ascenseur comme si elle voulait m'envoyer au 7° ciel. Ce n'était pas une ruade loin de là, plutôt un mouvement de houle à bord d'un frêle esquif. J'ai aussi le souvenir de la griserie des cheveux forcément longs dans le vent printanier, le port du casque n'étant pas encore obligatoire. Le temps efface les superflus pour ne laisser que l'essentiel.

 

 

 

L'acquisition: 

 Cette sensation ineffable fait que les BM ont la cote dans mon subconscient, mais la cote financière de ces motos surtout celles avec la dénomination RXX / sérieY m'a toujours détourné de ces sympathiques mamies. Jusqu'à ce qu'une petite annonce de LBC attire ma curiosité. La cote des R65 est bien moins forte que celle de ses consœurs. J'avais fait une moyenne des prix demandés sur une période pour ces différentes machines sans préoccupation ni de leur état et ni de leur âge, seulement avec pour impératif : pas de transformations notables. La moyenne s'établit à 9500E pour les R50, 6300E pour les R75, 4900E pour les R60 et 4600E pour les R65. Celle que je voyais sur l'annonce était bien en dessous ; comme elle était située pas loin de chez moi, j'ai été le premier client à la voir. Au premier abord, l'impression visuelle était plus que correcte, à part la peinture récente mais faite par un bricoleur du Dimanche. Pas de coups, le cadre avec la peinture bien fanée ne présentait pas de trace de rouille marquée. Le pneu avant était neuf, le pneu arrière à 50%. Tout était identique à l'origine, à part les clignotants de l'avant.

 

 

 

C'est une moto avec beaucoup d'alu et peu de chrome, beaucoup d'allure avec peu de gomme. Le fond l'emporte sur la forme, c'est avant tout fonctionnel et sans esbroufe, l'essentiel sans fioriture. La compacité du bloc moteur est remarquable, toutes les pièces composantes sont englobées dans cette masse d'alu ; à la limite, ils auraient pu intégrer les carbus et ne laisser sortir que les 2 cylindres à plat, véritable signature de la marque. De cette sobriété se dégage une impression de simplicité ascétique presque asiatique qui nimbe l'ensemble d'une forme de plénitude. La solidité germanique a un corollaire : l'ensemble pèse plus de 200kgs à sec, pas mal pour une 650cc. D'ailleurs d'aspect, elle fait grosse moto. Pourtant c'est un modèle sorti en 1978 et avec déjà beaucoup de pièces en plastique tels les garde-boues.  Les 2 parties du support de cadrans, bien sûr en plastique, sans doute vieillies par le soleil durant 41 ans, s'emboitent mal, présentant des jours au niveau du plan de joint. Les chiffres du compteur kilométrique sont de guingois, signe d'un tripatouillage. Je n'ai pas prêté attention plus que ça, sachant qu'à partir d'un certain âge, les chiffres ne veulent plus rien dire.

 

 

 

A la première impulsion sur le bouton ignition le moteur n'est pas parti. Le vendeur a de suite mis le starter manuel situé sur le côté gauche du moteur avant d'actionner le bouton à nouveau. J'avais oublié l'utilité d'un tel dispositif...qui marche : le moteur pétarade maintenant gentiment, en sourdine, un peu irrégulièrement toutefois. Le vendeur a poussé la moto pour la sortir de la centrale pour l'incliner sur la latérale. Le moteur montant dans les tours, il a enlevé le starter en donnant quelques coups de gaz pendant que j'enfilais casque et gants. J'étais un peu sur la pointe des pieds mais le poids pas trop important et placé bas, ne procure aucune inquiétude. La 1° s'est enclenchée sans bruit ; ce n'est que vers la fin de l'essai, avec l'huile chaude, que la boîte s'est manifestée à mes oreilles. L'embrayage est un peu dur et pas du tout progressif. Le commencement du roulage a été conforme à mes souvenirs, en moins fort toutefois : la moto a grimpé d'1 étage à défaut de grimper dans les tours. La position est un peu sur l'avant ; pour le reste, tout m'a semblé conforme, bien à ma taille. L'unique rétroviseur ne montre pas tout de ce qui se passe derrière mais rien de gênant pour aller de l'avant.

 

 

Pas speedée la mamie mais on n'achète pas une telle machine pour avoir des poussées d'adrénaline. Les vitesses se passent facilement et heureusement car au moindre faux plat, il faut rétrograder si on veut garder l'aiguille du compteur sur 90. En dessous de 4000trs/mn c'est mou, au dessus c'est un peu mieux et comme le bruit du moteur n'est pas excessif, on y va sans se poser de question. La direction est très légère, même avec un guidon exagérément étroit. Un autre grief concerne la poignée d'accélérateur, un peu longue course mais surtout très musculeuse et présentant un point dur qu'il faut franchir si on veut rouler à une allure normale. A cette allure on n'est pas trop martyrisé par le vent qu'aucun déflecteur ne dévie. Retour chez le vendeur. Au ralenti, un petit bruit non permanent se fait entendre, la chaîne de distribution? le mécanisme d'embrayage d'après le propriétaire. Coupure du moteur puis restart au quart de tour, gros coup d'accélérateur en regardant les sorties d'échappement, rien de suspect. J'ai cherché à baisser le prix pour la forme, le vendeur harcelé par des coups de téléphone insistants depuis tôt le matin a souri, l'affaire fut conclue. Je devais repasser avec le chèque de banque.

 

 

Coup de théâtre: pour cause de Coronavirus, Emmanuel Macron s'adresse à la nation, il annonce une  mesure de confinement pour mardi soir. Mais dès le lundi soir, il fut question d'interdire les déplacements sans motif valable dès le mardi midi. Je n'ai eu mon chèque qu'en début de l'après-midi. Je décidai d'aller chercher la moto en suivant, subodorant un confinement à l'exemple de Wu Han de longue durée. Je m'en félicite encore, au vu de la tournure des évènements. Nous avons traversé 3 barrages policiers avec à chaque fois un avertissement et relevé de l'immatriculation du véhicule de mon épouse. Le motif de déplacement pour aller chercher une moto fut moyennement apprécié. Le retour fut tendu surtout pour moi, sur une moto inconnue. Le vendeur m'avait bien dit que j'avais assez d'essence pour rentrer, j'avais quand même un doute, vu que le robinet était sur réserve. Nous avons emprunté les petites routes encore plus désertes, vu la mesure gouvernementale. J'ai croisé quelques voitures mais pas une moto sauf avant d'arriver vers chez moi ou un motard m'a prestement doublé en me saluant. J'ai retrouvé les sensations de mon essai. Les amortisseurs réglés au plus souple, le confort est très acceptable, même sur route dégradée.

 

 

 Par contre, comme lors de l'essai, je ne me sentais pas à mon aise, même après plus de 50kms ; autant dans les grandes courbes lisses je me sentais serein, autant dans les petites enfilades je sentais un arrière un peu hésitant ou plutôt une désunion entre l'avant et l'arrière. Dans les grandes courbes, une fois la moto penchée, elle s'inscrivait naturellement dans la courbure. Dans les ronds-points, la voiture suiveuse me poussait quelque peu. Les pneus étant bien gonflés, j'ai mis cela sur le compte d'amortisseurs morts ou d'un jeu dans quelques roulements qu'il me faudra vérifier lors de la grosse révision. Le frein arrière à tambour sert de ralentisseur, les freins avant à double disques sont plus efficaces, le frein moteur à l'image des gros bicylindres. Les 3 conjugués ne valent quand même pas les motos modernes. 60kms plus tard, à l'arrivée, en agglomération où il faut jouer beaucoup de la boîte à vitesses, celle-ci m'a semblé moins agréable à manipuler, très rugueuse et pas franche. En descendant de la moto, en la contemplant dans la cour, j'avais un sentiment de contentement dans le cœur tout en me massant le poignet droit un peu martyrisé par la poignée rétive.

 

 

 

Au matin suivant en rentrant dans mon garage, une forte odeur d'essence irrite mes narines. Je n'avais pas pensé à fermer le robinet. Effectivement les jours suivants, cette précaution prise, le garage est plus fréquentable. J'ai également fait l'effort de mettre la moto sur la centrale, avec les autres motos je ne le fais plus, vu la pénibilité de la manœuvre, surtout que cela n'a pas d'influence. Sauf sur les BM, aux dires du vendeur, cela empêche un cumul d'huile dans la culasse gauche et donc de la fumée au démarrage. En parlant d'huile, le sol du garage est maculé de tâches noirâtres. Le vendeur m'avait parlé d'une petite fuite. Dans le cas actuel il faut impérativement réparer. En me couchant pour voir les dessous, j'ai pu déceler les sources, au niveau des joints des tubes cachant les tiges de culbuteurs. J'ai également constaté un poc sur le pot d'échappement droit qui m'a échappé lors de la transaction. Lors de l'arrivée à la maison, j'avais constaté que le compteur journalier ne fonctionnait pas ; cela corrobore mon impression d'une manipulation interne du compteur pas très politiquement correcte. Le vendeur m'avait remis les factures en sa possession, pas beaucoup, rien d'extraordinaire.

 

 

L'avantage du confinement c'est qu'on peut se réfugier longuement sur internet. J'apprends l'histoire des motos BMW à partir des années 1950, les différents modèles, la signification des /5 /6 /7. La R65 apparaît en 1978, à peu près en même temps que les séries /7 ; BM abandonne ce rajout à son appellation car les modifications sont notables. Avec sa petite sœur la R45, elles constituaient l'entrée de gamme BMW ; les cylindrées sont différentes, l'encombrement du moteur réduit, le bras oscillant plus court, les motos plus légères ... Comme la K75 pour la famille K, celle dont le nombre de cylindres est supérieur à 2. Mais l'esprit BM demeure, la politique des pièces interchangeables entre les différents modèles est respectée. Ce sont les dernières à avoir des petits moteurs, ensuite, ce sera la course à la cylindrée. Je suis donc étonné que ces machines soient moins cotées. C'est vrai que le nombre d'exemplaires construits est conséquent sur une période assez longue et donc moins rare sur le marché. Il y a eu pas mal de modifications au cours du temps. Le moteur au départ est de 45cv et en 1981 passe à 50cv avec l'allumage électronique. En 1985 nouvelle innovation avec le monolever. Les moteur et châssis ont été reconduits sur la R80. Les premières versions de la R65 sorties jusqu'en 1980 conservent encore les anciennes solutions technologiques qu'on retrouve sur la série 7. Celles sorties après 1980 divergent quelque peu. Il est à noter qu'on trouve beaucoup d'articles sur les séries 5/6/7 et beaucoup moins sur la R65. J'ai également lu qu'en sortant cette R65, BM a voulu marcher sur les plate-bandes des Japonaises...

 

 

 

 

 

Vient le moment de la restauration:

 Je ne pars pas sur une transformation radicale du style Cafe Racer, je préfère les anciennes avec leurs atours d'origine. Il faut déjà voir et corriger les défauts constatés: refaire la vilaine peinture, pourquoi le compteur kilométrique ne fonctionne pas, remédier à cette grosse fuite, est-ce que le petit bruit vient de l'embrayage ou pas... J'ai prévu de tout démonter, pour peindre le cadre qui en a bien besoin, il n'y a pas d'autre solution. Dernière vérification avant les grandes manœuvres : la prise des compressions, 8.5 d'un côté et 9 de l'autre, correct, au moins il n'y aura pas le moteur à refaire.

J'ai pris de nombreuses photos pendant le démontage pour moins hésiter lors du remontage que je pressens lointain. J'ai essayé d'être plus méthodique qu'à l'ordinaire, rangeant les pièces et organes dans des box différents.

 

 Peu à peu je déshabille la miss. Je découvre une mécanique simple, bien pensée car visuellement épurée et tout relativement accessible, mais bon il y a certains points critiquables comme le circuit du faisceau vers l'arrière pas au plus court, la batterie que je n'ai pas réussi à extraire sans démonter le garde boue, la conception des tubes de fourche télescopiques, la conception de la boîte à air, le positionnement axial du groupe moto propulseur non centré, le positionnement des colonnettes qui favorise les fuites, la fixation ou plutôt le système d'orientation des cale-pieds conducteur peu mécanique...

 

Il est à noter que la position des cale-pieds n'est pas face à face, le gauche étant plus en avant. Il en est de même pour les cylindres. Concernant les cylindres, Moto Guzzi ne fait pas mieux pourtant Harley Davidson a bien trouvé une solution pour les aligner.

 

 

Ayant eu à percer une partie soudée au cadre pour faire une petite modification, j'ai trouvé que l'acier utilisé est assez quelconque, très facilement perçable. De l'acier à ferrer les ânes comme certains disaient à l'époque. Le démontage est aisé, je dirais même un régal. Il n'y a pas nécessité d'avoir recours à de l'outillage spécifique, des doigts de Fée ou des bordées d'injures appuyées.
 
 L'affaire fut rondement menée et déjà voilà que le moteur est à terre. Il est à noter qu'être 2 pour sortir le moteur du cadre facilite l'opération.
 
Moteur d'un côté et cadre de l'autre

 

Je vous parle seulement les froncements de sourcils rencontrés :
Tout le bas moteur était badigeonné d'une pâte visqueuse collante sale. Les fuites venaient essentiellement des joints des colonnettes. Pourtant bizarrement ces joints une fois démontés et nettoyés paraissent neufs.
 
 Les parties visibles étaient relativement propres, la poussière était sous le tapis:
Le cache en plastique gauche tenait avec de la ficelle noire ainsi que la batterie. Celle-ci  frottait sur le tube du cadre, ce qui a occasionné une rouille perforante.

 

La béquille centrale usée jusqu'à la corde aux extrémités suite aux manœuvres de 40 ans. L 'extrémité droite surtout, occasionnant un air penché à la moto une fois béquillée, sans compter que les 2 roues touchent pour lors le sol. La béquille latérale a été rafistolée avec des soudures çà et là avec un jeu inquiétant. 

 

 

 La partie avant m'a procuré beaucoup d'interrogations. Quand la roue avant est en l'air on perçoit un point dur dans la direction. En démontant j'ai vu que cela ne venait pas d'un marquage des roulements mais venait d'une grosse bavure à la fente recevant le doigt de blocage de la direction. A t on voulu voler la moto?

 

Quand on actionne la partie gauche de la fourche, le coulissement est normal. Si on procède de même avec la partie droite il y a un jeu de 1cm avant un quelconque amortissement ; de plus, le ressort couine anormalement. La vis inférieure était desserrée ; heureusement que l'axe de roue empêche cette dernière de tomber. En démontant je découvre qu'il n'y a plus une seule goutte d'huile! Le dernier changement des joints Spi ayant été fait par un garage il y a 5 ans, je ne me résous pas à supposer un manquement de sa part. Je penche plutôt pour une fuite de l'huile dans le garage de l'ancien proprio et que ce dernier n'a pas procédé à la réparation nécessaire. Il est vrai que le serrage de cette vis oblige d'avoir une longue-longue rallonge, assez longue pour atteindre l'écrou de 13 logé au fond du tube.

 Les barres d'origine soudées à la platine supportant le phare et au bout desquelles sont fixés les clignotants avant ont été sciées?

 Le compteur n'a pas été ouvert, aucune trace de dessertissage du couvercle, mais tout le monde connaît le recours à la perceuse comme élixir de Jouvence. Je suis peut-être mauvaise langue, une mort naturelle  est tout à fait possible En démontant, j'ai réaligné les chiffres pour l'esthétique mais le compteur kilométrique est bien HS mais pas le compteur de vitesse placé dans le même boitier.

 Mais surtout en soulevant le réservoir, j'ai découvert un écheveau de fils, le câblage ressemblait aux réseaux électriques qu'on rencontre dans les rues des pays en voie de développement quand on regarde en l'air. Beaucoup de fils étaient non branchés, vestiges de modifications diverses apportées au fil des ans.

 Les 2 supports de bobine étaient rompus sans doute à cause des vibrations, les bobines tenaient par des bouts de ficelle. Le mécano avait certainement une formation de couturier.

La partie arrière était conforme à une moto d'un certain âge: frein usé et roulements rugueux. Je n'avais pas bien noté l'empilement des pièces lors de l'extraction des cages de roulements. Au remontage, j'ai dû longuement réfléchir, étant perplexe quant au jeu de 7,3mm restant lorsque l'écrou en bout d'axe était en place... jusqu'à ce que je lise qu'il faut impérativement serrer cet écrou avec un couple de serrage compris entre 4,5 et 5 mkg pour avoir la précontrainte correcte des roulements à rouleaux coniques.

 Une des mâchoires était plus usée que l'autre. Sur l'une, il restait moins d' 1 mm de matière. Durant cette période de confinement, l'achat des pièces en ligne fut parfois compliqué, demandant beaucoup de patience, entre les magasins fermés et les délais rallongés. Cela se complique quand les pièces commandées ne sont pas conformes. Par exemple pour les mâchoires du frein arrière, j'avais reçu une paire identique alors que les parties actionnées par la came doivent être complémentaires.

Un ralentissement notable dans le démontage a été la désolidarisation du cardan d'avec la boîte. Sous le soufflet, 4 vis étoilées m'a fait craindre un outil spécial ; une recherche sur internet m'a donné la solution d'une banale clé à œil de 10...qui ne passe pas sauf après avoir diminué le pourtour de celle ci. La mort dans l'âme, j'ai meulé ma clé Facom. Il est à noter que ces vis ont un pas de 1mm au lieu des 1,25 des vis M8 standards. Impossibilité de les remplacer par des vis à 6 pans creux par exemple. Même punition pour démonter le bras oscillant, cette fois ci ce fût une douille de 27, mais comme cette dernière n'était pas de marque, l'opération fût moins douloureuse.

 

 Une fois la boîte ôtée, le pourquoi du manque de souplesse quand on débraye saute au yeux : l'intérieur du carter ressemble à un puits de pétrole. Je pense que personne avant moi n'a procédé à un quelconque nettoyage. L'épaisseur du disque était presque de 5mm donc théoriquement bon mais comme il était imbu, j'ai préféré en mettre un sur la liste des commandes ainsi que les joints à lèvre de volant moteur et de sortie de boîte.

 En enlevant le couvercle supérieur du bloc moteur, j'ai découvert la source du cliquetis furtif : la bobine d'enclenchement du démarreur avait perdu ses 2 vis de fixation. Une était restée  au fond, occasionnant des traînées de rouille, une coulure sortait même par le petit trou sur le côté droit du carter. L'autre avait bel et bien disparu. Avec les vibrations la bobine martelait les parois de son logement.

La poignée d'accélérateur se termine par un engrenage  qui enroule la chainette qui tire sur les 2 câbles des boisseaux des carbus. Je sais : pourquoi faire simple...quelques dents de l'engrenage, en alu, sont bien abîmées, ce qui occasionne le point dur lors de l'essorage de la poignée. J'ai limé les bavures mais on ne peut pas court-circuiter cette partie. Pour diminuer l'effort, j'ai changé la raideur des ressorts de rappel.

 

 Certains filetages sont bien abîmés, résultat d'intervention de mécaniciens qui ne contrôlent pas leur force. L'âge de la moto y est aussi pour beaucoup. En démontant les cache-culbuteurs, le fait de constater que celui de droite tenait avec une vis H alors que celui de gauche avait un goujon scellé au frein filet rouge, m'a mis la puce à l'oreille. Le frein filet enlevé, je constate un taraudage plus qu’abîmé pour ne pas dire inexistant. Heureusement le taraudage débouche sur un creux suffisant pour y glisser un écrou qui supportera mieux les efforts de serrage. Je citerai aussi pêle-mêle un des quatre taraudages fixant les pots, 2 des 4 servant à la fixation des étriers des freins avant. Plus embêtant, le taraudage de la culasse droite recevant la bougie est lui aussi abîmé surtout sur le début ; il ne faudra pas trop serrer celle-ci.

 

 

 

Enfin le remontage:

 Seulement après un gros gros nettoyage d'ensemble pour enlever boue, graisse et saletés incrustées. L'essence, le WD40, l'alcool à brûler, le savon, alliés aux éponges, pinceaux, brosse à dents, brosse métallique, tampon abrasif et surtout l'huile de coude, ont été utilisés sans modération. Mais il est difficile de "ravoir" 40 ans même avec du Belgom Chrome Alu ou plastique. Les ailettes de refroidissement du moteur ont été les plus chronophages. La peinture aurait plus radicalement changé la donne mais ce qui n'a pas été peint restera tel quel, d'origine.

La peinture est affaire de spécialiste. Le petit carrossier à côté de chez moi, motard lui même, a repeint le réservoir, le garde-boue avant, les caches latéraux et le phare. Je lui avais apporté les pièces démontées et 2 jours après, c'était déjà fait. En cette période particulière, les artisans n'ont pas beaucoup d'activités. Je voulais qu'il refasse le noir profond brillant des anciennes BM. C'est de la peinture thermo-laquée, le résultat est plus que probant.

 

 Je me suis réservé la peinture à la bombe des parties moins visibles et moins valorisantes. Avec du recul, vu la différence de prix et vu le travail que cela représente, je me demande si le jeu en vaut la chandelle. J'ai classiquement passé apprêt, peinture et vernis. Le cadre est un gros morceau lorsque qu'on décape manuellement. Papier de verre de plus en plus fin jusqu'au grain 600 pour gommer les rayures précédentes, mais comme tout débutant pressé de voir le résultat, je n'ai pas passé assez de temps pour poncer suffisamment et la peinture d'apprêt n'arrive pas à tout masquer.

 

 

Pour les jantes, avec le ponçage, l'opération de masquage requiert également beaucoup de temps. En dessous, ce n'est encore qu'au stade de l'apprêt. Une bombe de 400ml est suffisante, mais limite.

 

J' ai récupéré une barre de clignotants montée sur une série 7, prévue initialement pour être montée à l'arrière. Le montage à l'avant grâce à 2 boulons n'est pas inesthétique.

 

J'ai soudé divers éléments comme les supports de bobines, les extrémités des béquilles...elles vont bien encore tenir 40 ans.

 

Comme la pochette de joints ne venait toujours pas, j'avais  commencé à remonter divers éléments, entre autres la partie arrière afin de laisser le moteur pour la fin. Mauvaise idée car au moment d'assembler la boîte au moteur, le cardan empêchait le passage ainsi que le bras oscillant. J'ai été bon pour re-démonter. Ce va et vient inhabituel a bien sûr occasionné des rayures sur la peinture du cadre malgré le chiffon de protection. J'ai à nouveau galéré pour fixer le cardan à la boîte, difficile de bloquer celui ci en rotation pour serrer suffisamment les 4 vis à tête étoilée.

 

 Il y a plein de joints sur un moteur. J'ai essayé de changer le strict nécessaire parce qu'ils ne sont pas donnés. 1 joint de colonnette = 4€ et comme il y en a 4 cela fait tout de suite 16€. Le joint à lèvre du volant moteur, obligatoire si on veut que l'embrayage reste sec: 18,5€ à lui tout seul. Je n'ai pas compris l'utilité des petits joints toriques sur les 2 tirants du haut des 4 qui fixent le cylindre au bloc moteur. Pour ne pas changer le joint de culasse, je n'ai pas désolidarisé celle-ci du cylindre. En certains endroits, j'ai utilisé de la pâte à joint comme pour les joints de colonnettes vu le problème de fuite d'avant restauration ; l'étanchéité par portée conique ne m'a pas inspiré confiance.

3 semaines se sont écoulées depuis le démontage. Le remontage a été lent parce que je n'étais pas pressé. Entre temps, le déconfinement a été repoussé au 11 Mai. De plus, mon soi disant classement rigoureux n'a pas été si rigoureux que cela ; il m'a fallu beaucoup réfléchir sans compter que je n'ai pu compter sur les photos qui, pour nombreuses qu'elles soient, ne couvrent pas tout. Passer les gaines et les ressortir parce qu'elles n'ont pas le circuit optimum, les repasser, se demander à quel connecteur la fiche qu'on a entre les doigts correspond, parce que le marquage fait au préalable au feutre a disparu, choisir la bonne vis mêlée aux autres dans la boîte de conserve... les journées défilent à vitesse grand V. Malgré tout, tout a une fin.

 

 

Préparation au démarrage:

 

Faire le plein des fluides

Faire les pressions

Purge des freins AV

Réglage tambour AR

Réglage Garde embrayage 

Réglage jeu aux culbuteurs

Réglage jeu au rupteur

Réglage avance à l'allumage

Mise en route moteur et Mise au point 

Réglage Richesse carburateur

Réglage Synchro ralenti

Réglage Synchro dynamique 

Pour les pleins d'huile, en plus de 2 fois 0,19l d'huile de viscosité 10W pour chaque tube de fourche, il y a 4 parties séparées nécessitant de l'huile pour une quantité de 2,25l de 10W60 et 0,8l, 0,3l et 0,15l de 75W140 correspondant au moteur, boite de vitesses, pont et bizarrement le bras oscillant ou plutôt l'accouplement cardan/pont.

Le réglage des vis platinées m'a ramené 48 ans en arrière, au temps de ma 4L qui m'a fait découvrir le monde de la mécanique. C'était un temps où il fallait souvent soulever le capot de sa voiture, souvent régler le jeu au rupteur, où l'avance à l'allumage était encore mécanique, utilisant le déjà vieux principe de Watt. Si mes souvenirs sont exacts, on ne parlait pas de cassette et tout pouvait se détailler, n'acheter que ce qui était nécessaire.

 

Pour le réglage des culbuteurs, je préfère la méthode du "Dos de Came". Facile à retenir surtout qu'on a affaire à un bicylindre: une soupape à fond d'un côté, on règle son homologue sur l'autre cylindre. 1 des contre-écrous force un peu, encore un filetage déformé par un serrage inapproprié ; heureusement que l'acier supporte mieux la maltraitance. Fidèle aux systèmes classiques, l'arbre à cames est au fond et actionne les culbuteurs au moyen de tiges qui tournent en montant. C'est certainement voulu mais l'explication technique m'échappe un peu. Certains parlent de réglage du jeu latéral des culbuteurs ; vu le montage, je me demande comment ils font pour régler ce jeu. Sur mon moteur ce dernier est très faible.

 

Au moment de faire le plein d'essence, je me suis décidé à acheter de l'additif. Les moteurs BMW ne sont prévus pour fonctionner au sans plomb qu'à partir des années 1982. Il y a risque de récession des soupapes, mais l'utilité de cet additif ne fait pas unanimité. L'ancien proprio devait en mettre, j'avais trouvé le contenu du réservoir bien jaune lors de la vidange. Mais comme l'additif n'était pas arrivé, j'ai mis un peu de 95 dans le réservoir. Les carburateurs se sont mis à dégueuler, le robinet inversé (position réserve pas sur la réserve) ne coupe pas le débit. Une heure de réparation pour le robinet, quant aux carbus, je me suis aperçu qu'il n'y avait qu'une position qui convienne, de part et d'autre de celle-ci et c'est la fontaine. Cet incident a mis également en lumière les limites de la peinture à la bombe même avec vernis: cela ne tient pas sous les aspersions d'essence.

 

C'est le moment de vérité: Contact et starter mis, plusieurs impulsions sur le bouton du démarreur et enfin le moteur part. C'est toujours un plaisir d'entendre un moteur s'ébrouer après une grosse révision. Mais le plaisir fut de courte durée, l'huile s'étant mise à suinter à la jonction cylindre/carter et des 2 côtés, un peu plus à gauche qu'à droite. Un peu dépité, j'ai coupé le contact et remis au lendemain le démontage bis. Le problème venait des petits joints toriques des tirants qui ont été pincés lors du serrage des cylindres sur le carter moteur. Je décide alors de badigeonner les plans de joints avec de la pâte à joint, j'en ai également mis sur les couvre-culasses.

 

Démontage, nettoyage, remontage. Cette étanchéité au niveau des colonnettes est vraiment mal conçue. On met le cylindre en place, guidé par les 4 tirants ; or les colonnettes ne sont pas parallèles à cet axe ; les joints en caoutchouc ne peuvent que mal se présenter. J'ai enfoncé comme j'ai pu les joints en les tapotant à l'aide d'un jet en bronze. Serrage des culasses suivant l'ordre défini et à la clé dynamométrique, réglage des culbuteurs, remise des couvre-culasses, bougies, antiparasites, carburateurs, échappements. Ouf. Impulsion sur le démarreur, le moteur part à la deuxième, coup d’œil sur les dessous, sauvé rien ne coule...M... cela pisse doucement d'abord puis un peu plus fort. C'est à recommencer.

 

J'ai fait une recherche sur le net, beaucoup parlent de ce problème. En fait il faut un outil spécial et il faut taper sur la collerette en alu présente sur la colonnette. Il parait que cette collerette doit coulisser. Je suis sceptique ayant fait un essai de frappe sans succès sauf que la colonnette a glissé de la culasse. En analysant bien, je m'aperçois que c'est bien cette collerette qui maintient le joint en place. elle est montée serrée-juste sur le tube afin de contrer la poussée du joint mais doit pouvoir glisser lors du serrage de l'ensemble culasse-cylindre. Or la collerette est trop repoussée et de ce fait n'a aucune action. A l'aide d'un arrache moyeu, j'ai ramené la collerette à la bonne place, mais celle-ci arrachée de sa position initiale est devenu libre sur la colonne. J'ai rusé avec des serflex: je les serre, je frappe dessus, je resserre, je retape etc... Vérification...

 

Ouf...plus de fuite aux joints de colonnette...seulement une petite traînée au niveau de l'embase du cylindre droit. Au bout de 3 fois, je n'avais plus le courage de tout redémonter, je décidai qu'un coup de chiffon de temps à autres ferait l'affaire. On m'a toujours dit qu'une BM ça faisait de l'huile, c'est donc une vraie BM. C'est fou comme on peut se sentir léger quand l'anxiété s'en va. Mais ce n'est pas tout à fait fini, un petit tour d'essai puis au retour, moteur chaud : réglage des carburateurs : richesse de chaque carbu, synchro au ralenti puis à 2000trs/mn. Lors du petit essai, j'ai trouvé un moteur plus alerte et une partie cycle bien plus saine qu'il y a 1 mois et demi. La tenue de route est efficace, l'embrayage est toujours un tantinet sec avec une course du levier insuffisante. Le passage des vitesses se fait sans heurt, c'est une moto qui n'effraie pas un débutant. Malgré un réglage synchro on ne peut mieux, je trouve que la moto tremblote un peu. J'avais fais un réglage des culbuteurs à 0,15/0,20 au lieu des 0,10/0,15 préconisés, on les entend effectivement bien.

 

 

 

En résumé ce qui a été fait en 1 mois et 1 semaine: 

Peinture du réservoir, phare, cadre complet, les 2 garde-boues, les 2 caches, les jantes, les commodos,  le rétroviseur.

Changement roulements roue arrière, mâchoires de frein, embrayage, 

Changement des joints volant moteur, nez de boîte à vitesses, colonnettes, couvre culasse, tirants, carters, joints Spi, embase cylindre,

Changement de tous les fluides : huile, liquide de freins,

Changement/nettoyage des filtres air, huile, crépine

Changement des bougies,  

Graissage de tous les axes, câbles, gaines, poignée accélérateur, engrenage roue arrière,

Rajout d'un filtre essence

Réfection du robinet et changement des durites. 

Réglages divers : jeux culbuteurs, avance à l'allumage, carburateur, synchro

Mais cela vaut le coup :

A bien regarder, la R65 est quand même un peu moins belle que la R60/2. Elle fait plus récente, c'est surtout le bloc compteurs qui dérange. Le rajout de soufflets au niveau de la fourche ne contre-balance pas la modernité des jantes en alu. Les lignes plus tendues la rangent indubitablement dans la modernité. J'ai essayé de retrouver le noir d'antan mais la fourche est trop droite et les disques de frein trop ostentatoires. 20 ans les séparent. Mais la technologie a t elle fait un tel bon en avant, que j'aimerais là tout de suite essayer la R60/2 de mes souvenirs, voir ce qu'elle vaut dynamiquement. La R65 quant à elle, est très agréable à mener, pas de heurt, pas de bruit, presque une Honda où tout n'est que luxe calme et volupté.